Hommage à mon frère

Il y a quatre mois mon frère s’en est allé brutalement.

Je me suis rendue à son chevet à l’autre bout de la France, je savais pourquoi, je devais l’accompagner dans son voyage, c’était très clair pour moi lorsque j’ai pris mes billets de TGV, ce n’était pas une visite je le savais. Pourtant une paix étrange était là.

Je n’avais pas vraiment de point de vue sur tout ce que je vivais puis sur tout ce que je voyais de son état, de son corps, de l’hopital, de ma famille dévastée. Il y avait cette réalité et ma vie intérieure, deux choses bien distinctes. Mon frère était silencieux puisque plongé dans un coma artificiel, à ses côtés l’energie était si belle, si douce, c’était son émanation énergétique que je sentais, son être véritable au delà de son apparence, de sa vie  et de tout ce qui se disait dans cette chambre.

Nous avons tout les deux rattrapée une vie en quelques jours. J’ai une gratitude infinie pour cet espace qu’il a ouvert pour nous, pour lui. Cette possibilité qu’il m’a offerte d’être avec lui, de le toucher, de lui exprimer avec tout mon être l’amour infini que j’ai pour lui et j’ai tout reçu de lui moi aussi. Cela faisait des années que nous n’avions plus de contact. Je l’ai accompagné jusqu’à son dernier souffle, ma main posée sur son coeur, chaque particule de mon être était connectée à lui. Il s’est laissé glissé en sécurité dans un échange d’amour infini. Le temps était suspendu cela ressemblait à un accouchement, la même bulle hors de tout.

Lorsque je suis repartie à Paris après son enterrement, j’étais dans une pulsion de vie phénoménale, je voulais faire un 2e bébé, bouger, rencontrer des tonnes de gens, créer mille choses, vivre vraiment et plus intensément encore. J’étais anormalement heureuse, mon état ne ressemblait en rien à celui des « personnes endeuillées ». Cet état je l’ai gardé et j’en prend grand soin. C’est le cadeau de mon frère.

Si je vous raconte tout ca c’est parce qu’il me tient à coeur de contribuer à l’expansion de la conscience au sujet de la mort, de tous les points de vue que nous en avons dans cette réalité, de toute la peine et la souffrance que cela engendre, des rituels et automatismes qui perdurent et nous maintiennent dans le chaos. Si je n’avais pas eu tous les outils que j’ai aujourd’hui, j’aurais été démolie moi aussi, traumatisée par ce que j’ai vu, accablée par la souffrance de mes proches et je serais certainement encore dedans au moment ou je vous parle. Bien sur je ne dis pas que les larmes et la peine sont anomales, je dis qu’ajouter de la souffrance à l’évenement en restant confiné dans une vision des choses qui crée cela est optionnel. C’est n’est tout simplement pas une obligation.

Et s’il était temps d’envisager la mort autrement? Et si c’était possible de traverser cela avec plus de douceur, de légereté et même de joie? Oui joie! Je suis heureuse que mon frêre ait choisi cela, heureuse qu’il ait quitté cette incarnation ou il semblait si malheureux, heureuse qu’il ait pu recevoir et offrir tout cet amour, heureuse de l’expérience unique que nous avons vécu tous les deux, il m’a tant appris et je sais que lui aussi s’est fait un énorme cadeau d’évolution. Je ne vous dis pas que je ne pleure pas, l’illusion de séparation me rattrape régulièrement mais je n’y reste pas.

Ce sont nos points de vue qui déterminent et impulsent nos expériences à ce sujet là aussi. Dans cette réalité que nous partageons tous, la mort c’est triste, c’est grave, c’est la perte, on ne s’en remet que tardivement voire jamais. Il faut porter le deuil, montrer aux autres à quel point on souffre, s’habiller en noir, s’empêcher de sourire, mettre sa vie entre parenthèses et culpabiliser si on ne fait pas tout ca.

Que vous croyez à l’existence de la vie après la mort ou pas, comment vous sentez vous à l’idée que vos proches puissent être dévastés par votre départ, que tout s’arrêterait pour eux, qu’ils mettraient leur vie en stand by pour vous pleurer ?  Imaginez vos parents, votre enfant, votre soeur dans cet état? Est-ce un cadeau qu’on leur fait en perpétuant cela? Les défunts peuvent-ils trouver la paix ainsi?

Pendant des années j’ai été terrorisée par la mort, je vous en parle ici, c’était vraiment dur et je me rends compte aujourd’hui à quel point j’étais amputée d’une partie de ma vie. La mort est une contribution pour nous et pour celui qui là choisie. Ne restez pas bloqué dans vos terreurs, dans vos craintes, libérez-vous et vivez vraiment enfin. Se libérer c’est changer notre façon d’envisager la vie, laisser s’échapper toutes les visions réduites et distordues que nous avons sur tout et retrouver l’espace, la joie, l’épanouissement. Nous ne sommes pas ici pour subir. Nos choix créent tout.

« Les vivants ferment les yeux des morts, les morts ouvrent les yeux des vivants »

Mon frêre me souffle ces paroles de la chanson de Francis Cabrel :  » Et quoique tu fasses L’amour est partout où tu regardes, dans les moindres recoins de l’espace dans le moindre rêve où tu t’attardes L’amour comme s’il en pleuvait ».

 

Jessica Font

Psychothérapeute & coach – RDV en ligne et en cabinet

 

 

 

 

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